Écopoétique du tiers paysage

L’ARTISTE

En vue de sa prochaine création de lecture performance, Geneviève de Bueger porte son attention, durant cette résidence estivale au Val d’Azun, à ce que Gilles Clément nomme le Tiers paysage, c’est-à-dire les espaces où l’humain a priori n’intervient pas.

Le cheminement solitaire de l’autrice aux abords du gave et de la route d’Azun, dans l’épaisseur végétale que constitue la limite entre le pré de fauche et le pacage dans les villages d’Aucun, de Gaillagos et d’Arcizans-Dessus l’emmène finalement sur les pentes de fougères et les estives du Col de Couraduque. Elle y entreprend alors une observation et une écoute attentives de celles et ceux qui fréquentent le lieu : les vaches, leur éleveur, le sureau et le rosier sauvage, l’apiculteur, la sauterelle, l’écologue, le papillon vulcain, le parapentiste, la mouche hématophage, une bergère à propos du brûlage pastoral, le milan royal, une garde du Parc national des Pyrénées, l’aubépine, le sauveteur qui a vu l’ours, le hêtre en boule, la fille qui chaque jour fait la sieste dans sa camionnette garée plus haut…

Geneviève de Bueger s’immerge dans ce lieu façonné jadis par le glacier, se familiarise à la façon dont la végétation réinvente le paysage quand les granges foraines sont abandonnées au profit d’une plus grande exploitation, mais à la manière dont le ressentent et l’expriment les voix de la vallée : le frêne gagne les prés ; à cause du hêtre, du bouleau et des épineux le paysage se referme.

Au gré de cet arpentage, les mots, la mémoire et l’imagination tissent le drame de son texte. Le récit prend forme dans une temporalité non linéaire, une spirale latourienne qui permette qu’« un événement a été par rapport à moi, mais est par rapport à toi » comme le dit le physicien Carlo Rovelli dans L’ordre du temps.

Prenant en compte les subjectivités rencontrées, Geneviève joue à agencer leurs formes linguistiques sur une scène énonciative et performative qui dira, le temps de la lecture-performance, quelque chose de ce bout de monde en perpétuelle réinvention.

Photo du lieu, Col de Couraduque