François

Merci Fanou d'avoir apporté ta voix au murmure du monde deux années de suite. La tristesse de toute la vallée, celle de ta famille et de celle de Laurent, c'est aussi la nôtre. Avec les mots de l'autrice Geneviève de Bueger que tu as accompagnée lors d'un moment poétique mémorable, nous te rendons hommage :


François,

L’année dernière à la fin du mois d’avril, tu me racontes une histoire au sujet des dames de ton troupeau. Tu as beaucoup d’anecdotes, mais celle-là te plaît particulièrement : Maud, une vache de huit ans, « a fait son veau » dans la montagne. Dans la journée, avec ton frère Benjamin, tu la trouves au bord de l’eau, occupée à boire avec les autres, sans son veau. Une promeneuse le repère et vous découvrez le petit là-haut, sous un arbre. Il est faible, tu le portes sur tes épaules. Il s’en ira quelques mois après, comme tous les autres, mais en attendant, tu le sauves. Tu le portes comme un papa, les mains sur les chevilles de son enfant assis sur ses épaules.

Cette vache de huit ans, que j’ai rebaptisée Naïa pour son goût de l’eau, est présente le jour du dialogue zoopoétique avec les vaches, pour Le murmure du monde.
Ce jour-là, tu te lèves de bonne heure, non pas pour les foins, qui pourtant t’attendent, mais pour la poésie. Tu te lèves pour rassembler tes vaches, performeuses à leur insu. Je t’aperçois tout en haut, tu es là au rendez-vous, avec les vaches prêtes à dévaler. Tu m’avais prévenue : si vous êtes trop nombreux, elles vont fuir. Elles ne vont pas ruer, mais elles risquent de s’en aller. Tu emmènes des « friandises », de l’avoine dans un seau, pour les maintenir. Elles s’en sont allées dans le bas de la pente. Tu as tout fait, avec Jean-Christophe, pour les ramener. A deux, vous avez engagé une course de part et d’autre du troupeau. Pour la poésie.

François, tu connaissais chacune de tes bêtes. Tu me dis reconnaître l’une à sa taille, l’autre à ses oreilles, à la forme de son museau, de ses cornes, ou à son caractère docile ou sauvage.  Tu les nommes. C’est normal, dis-tu, tu les vois tous les jours en été, au lac du Tech, au Col des Bordères.

Ton élevage respectueux, avec ton frère Benjamin, c’est un élevage où la relation est première. Puissent les zombies de la zootechnie sentir le souffle des estives, de l’herbe variée, de tes pas qui orientent, de tes mains qui apaisent, de ta voix qui encourage. Puissent nos vies s’enlacer à celles des bêtes avec la même grâce.

Merci François.

Repose en paix.

Geneviève De Bueger


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